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« L’estime exagérée portée au travail de ma vie me rend facilement malade. Je me sens obligé de penser que je suis un escroc involontaire » Einstein, confidence à la Reine Elisabeth de Belgique en 1955.
Vous aussi, êtes-vous atteint du syndrome de l’imposteur ? Sans doute n’en connaissiez-vous pas le nom, pourtant il est assez commun. On peut décrire le syndrome de l’imposteur comme un doute maladif qui consisterait à rejeter ou nier toute réussite ou accomplissement personnels. Il n’est en aucun cas de la modestie ! En clair, votre réussite est due à la chance ou à n’importe quel autre facteur extérieur mais en aucun cas grâce à vous ou vos compétences. N’importe qui peut être atteint de ce syndrome, quelle que soit la classe social ou l’activité professionnelle. Il peut être seulement passager ou alors permanent.
Une personne atteinte de ce complexe de l’imposteur pense systématiquement que son succès n'est en rien lié à sa personne. En effet, elle est convaincue que sa réussite ne résulte pas de ses compétences, de son travail ou mérite… mais plutôt d’éléments extérieurs comme la chance, les relations, le charisme, des circonstances exceptionnelles ou un bon timing. Cette personne ne considère donc pas sa réussite comme légitime et méritée. Elle se sent indigne. C’est pourquoi, bien souvent, elle se perçoit comme un imposteur, un charlatan, un menteur qui trompe le monde et dupe ses collègues, ses amis, ses supérieurs… Elle craint qu’un jour ou l’autre elle finisse par être démasquée ! Elle a peur de devoir s’exposer en public avec le risque de se dévoiler.
« Je ne me sens pas à ma place et si j’y suis c’est par hasard ou par miracle ! Je ne suis pas à la hauteur et je le cache. Je suis un imposteur, tout cela est bidon et bientôt les autres découvriront mon incompétence et qui je suis vraiment ! » « Tout le monde me voit comme un cygne alors que je ne suis qu’un vilain petit canard ! »
Afin de ne pas être démasqué, l’imposteur peut investir une grande quantité d’énergie face à une tâche à accomplir voire se sur-préparer (overdoing). Ainsi la réussite sera attribuée au travail exceptionnel fourni plutôt qu’à ses propres compétences. Ou alors, il s’investit peu voire remet au lendemain (underdoing) préparant ainsi son échec prévisible ou permettant alors d’attribuer son succès à la chance. Ces deux stratégies entretiennent et renforcent le syndrome.
Le syndrome de l’imposteur est un sentiment d’illégitimité et il serait donc la manifestation d’une faible estime de soi. L’importance que l’on accorde au regard des autres serait aussi à l’origine de l’anxiété sociale vécue lors du syndrome. A noter qu’il y a ceux qui souffrent du syndrome de l’imposteur et d’un manque de confiance en soi mais qu’il y a aussi des vrais imposteurs/manipulateurs dont nous ne parlerons pas. Eux, c’est peut-être la culpabilité qui les ronge et encore pas toujours. Il y a de vrais imposteurs sans états d’âmes.
Ce sont deux femmes, deux professeurs de Psychologie (Georgie, USA), Pauline Rose Clance et Suzanne Imes, qui sont à l’origine de la mise en lumière en 1978 du syndrome de l’imposteur. Elles considéraient d’ailleurs que 60 à 70% d’entre nous douteront un jour ou l’autre de la réalité ou légitimité de leurs succès. Ces pensées négatives (fantasme masochiste) peuvent devenir invalidantes ou carrément polluer notre existence. Ce complexe de l’imposteur pourrait également trouver sa source dans une peur inconsciente de la réussite qui entraînerait un comportement de « fuite » et qui empêcherait alors de développer pleinement notre potentiel. Il s’agit donc d’un véritable gâchis de potentiels humains. Ce syndrome était particulièrement observé chez les femmes « brillantes, qui ont réussi », les autodidactes (aussi appelé syndrome de l’autodidacte), les enfants et adultes « surdoués » ou les personnes ayant bénéficié d’un passe-droit (discrimination positive, piston, recommandation). Un enfant surdoué peut être rassuré et fier de savoir qu’il est intelligent. Mais lorsqu’il connaît la réussite, il risque aussi de croire qu’il a des facilités et qu’il ne la mérite pas (par rapport aux autres).
Dans un article (Psychotherapy : Research and Practice) paru en 1978, Pauline Rose et Suzanne décrivaient la fâcheuse tendance des femmes brillantes à se saborder dans des moments clés de leur évolution par manque de confiance en soi au lieu de parier sur leurs réussites futures. Et lorsqu’elles réussissaient, elles ne pensaient pas que cela pouvait venir de leur intelligence ou qu’elles étaient responsables de leur succès. Des études postérieures ont montré que les hommes aussi peuvent souffrir de ce syndrome de l’imposteur. Toutefois, la réaction peut être différente : une femme qui se sent imposteur aura tendance à se surinvestir pour pallier au manque présumé alors que l’homme adoptera plutôt un comportement de fuite et évitera toute situation susceptible de dévoiler ses faiblesses.
A noter que la plupart des gens talentueux connaissent à un moment ou un autre la sensation d’être un imposteur. Et plus nous connaissons le succès et la réussite, plus notre manque d’estime de soi nous donnera le vertige. Le syndrome de l’imposteur peut donc freiner voire bloquer notre ascension sociale et professionnelle car plus on réussit, plus on risque de souffrir de ce sentiment d’imposture. Ce sentiment d’illégitimité ne concerne pas uniquement le monde professionnel mais il peut également empêcher d’aller vers les autres, de s’affirmer ou de s’exprimer en public… Dans sa forme sévère, le syndrome de l’imposteur, même si à ce jour il n’est pas considéré comme une maladie, peut conduire à de l’anxiété généralisée ou de la dépression.
Il est admis que le syndrome de l’imposteur apparaît plus particulièrement dans les moments où nous devons faire nos preuves ou lors d’une période de transition (études supérieures, promotion, mariage, naissance d’un enfant…). Ce sont des moments où nous devons prouver notre légitimité.
Qui est plus particulièrement susceptible de vivre le syndrome de l’imposteur ? Dans les années 70, l’étude conduite par Pauline Rose et Suzanne portait surtout sur les femmes. A cette époque, elles devaient se battre pour trouver une certaine légitimité dans un monde professionnel macho et elles assumaient difficilement leurs réussites. Dans le monde professionnel, les hommes et les femmes peuvent souffrir de ce syndrome. Toutefois, on peut considérer que les femmes sont peut-être plus sensibles car moins soutenues. Ce complexe frapperait d’ailleurs jusqu’à 70% des gens à un moment donné de leur vie. Il semblerait que les personnes « douées » ou autodidactes seraient plus vulnérables. Imaginez un homme autodidacte qui parvient à un poste de direction et se retrouve entouré de jeunes collaborateurs provenant de grandes écoles. Imaginez une femme noire qui se retrouve dans une équipe exclusivement masculine et blanche.
Le contexte culturel et familial a aussi son importance. Une personne qui accède à un statut social et professionnel considéré comme élevé peut avoir l’impression que cela ne colle pas avec son milieu d’origine (famille modeste, monde ouvrier). Cela peut aussi être une femme qui a vécu dans une famille ou seuls les hommes étaient valorisés. Quelles que soient les raisons, le complexe d’imposture risque de provoquer des décisions dommageables pouvant conduire à une démission, un burnout, un échec, un divorce…
Quelques pistes pour identifier le syndrome d’imposture :
Pauline Rose Clance a également développé un test appelé « échelle de Clance » qui permet de définir si une personne souffre ou non du syndrome de l’imposteur, de mesurer le sentiment d’imposture et déterminer à quel point il affecte sa vie.
Voici quelques pistes pour gagner de la confiance en soi et se sentir plus légitime :
D’après un dernier article de Pauline Rose (avec Joe Langford) en 1993, elle affirme que la raison première de ce syndrome de l’imposture est sans doute le désir obsessionnel de chaque individu d’obtenir l’approbation des autres (que l’on ne trouve pas en soi !). La confiance en soi et la reconnaissance de ses propres forces et compétences sont indispensables pour ne pas souffrir face aux succès des autres, plus riches, plus courageux… et ne voir que cela. Car tout ce qu’on ne valorise pas soi-même, on le projette sur les autres. Cherchez donc votre propre approbation (intérieure) et désintéressez-vous du regard des autres.
« Le complexe d’imposture nous apprend combien la reconnaissance extérieure peut s’avérer sans valeur aucune, lorsque l’on ne se reconnaît pas soi-même » (quebec.Huffingtonpost.ca/marie-sylvie-dionne)
Pour finir, notons que le complexe d’imposture voire d’infériorité semble un phénomène assez français (et québécois). Nous éprouvons de la honte et croyons les autres meilleurs que nous. Nous ne nous sentons pas à la hauteur et notre manque de confiance nous empêche de voir notre vrai potentiel. Et lorsque nous connaissons des succès, nous faisons profil bas au lieu de le crier et de le fêter.
Vous pourrez lire également :
"Le Moi idéalisé, ce tyran" ou "Culpabilité et
perfectionnisme" de la rubrique "Enquête de Soi".
Sources :
www.fr.wikipedia.org
www.daredo.net
www.mademoiselle.com
www.madame.lefigaro.fr
www.quebec.huffingtonpost.ca
www.paulineroseclance
www.motherboard.vice.com
www.eveprogramme.com
www.douleur-emotion.com
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Lydie (samedi, 09 juillet 2022 14:34)
Une analyse très enrichissante. Mon cœur c est doublement ouvert me "prisonnant" de ce syndrome. Merci
Amélie FRANQUELIN (lundi, 02 août 2021 23:01)
Bonjour,
Je suis tombée sur votre article un peu par hasard, mais il est très parlant : les mots sont juste et bien pesés. Moi même étant concernée par ce syndrme, cet article m'a beaucoup éclairé et il était très complet.
Merci beaucoup !!!
Stéphanie Maugenest (vendredi, 01 novembre 2019 12:05)
Merci pour cet article très clair et riche. Je suis psychologue et j'anime des TD d'éducation à l'orientation professionnelle à des étudiants de licence en fac de lettres et je vais citer cette source avec enthousiasme !! Encore merci ;)